Des applications au secours des consomm'acteurs
Des dizaines d’applications mobiles aident le consommateur à transformer son achat en un acte d’engagement citoyen en faveur de la qualité de l’alimentation ou de la préservation de l’environnement. Mais tous ces guides ne se valent pas.
A l’heure où la défense de l’environnement mobilise en masse au niveau mondial, de nombreux outils numériques aident les consommateurs citoyens à agir. Les réseaux sociaux permettent de dénoncer publiquement les produits de mauvaise qualité, mais aussi de s’informer en consultant des études scientifiques, indépendantes et fiables, et de prendre connaissance des appels à l’action des militants pour la planète de tous âges, comme celui de l’adolescente Suédoise Greta Thunberg1 qui a initié la Grève mondiale pour le climat2.
Les plateformes numériques permettent de populariser rapidement des pétitions en ligne, certaines récoltant plus de 2 millions de signatures en seulement trois semaines3. Quant aux applications mobiles, elles accompagnent les consommateurs désireux d’acheter « responsable » jusque dans les rayons des supermarchés. Ces applications-guides agrègent des bases d’informations pour aider le consomm’acteur à donner une dimension militante et politique à son acte d’achat.
Bien sûr, les citoyens n’ont pas attendu l’essor des technologies digitales pour protester et agir contre les entreprises qui fabriquaient des produits de mauvaise qualité ou qui n’assuraient pas des conditions de travail acceptables. Malheureusement, le boycott économique était un moyen de pression efficace au siècle dernier.
Désormais, « dire non ne suffit plus », affirme la journaliste et militante américaine Naomi Klein4 qui analyse depuis deux décennies l’action citoyenne face aux puissances économiques (entreprises et états). Selon elle, le modèle économique actuel - qu’elle qualifie de « capitalisme débridé » - ne permet pas d’assurer un avenir durable au niveau mondial, et il ne pourra être transformé que grâce à l’engagement des citoyens, et à leur action continue et volontaire.
Un simple scan pour s’informer sur des centaines de milliers de produits
Les applications mobiles destinées à aider le consommateur à mieux s’informer sur les produits et privilégier des achats responsables ont commencé à apparaître en nombre dès 2015. Les plus populaires référençaient les produits « Made in France » ou encore les fruits et légumes de saisons. Mais la plupart des applications mobiles d’aide à la consommation proposaient alors surtout d’identifier le meilleur tarif parmi différentes enseignes de commerçants.
Aujourd’hui, les attentes de consommateurs ont changé, et les applications mobiles se sont perfectionnées : elles proposent désormais d’accéder à une mine d’informations sur la composition d’un produit, sa provenance, ou encore sa valeur nutritionnelle, simplement en scannant son code-barre grâce à l’appareil photo de son smartphone.
Par exemple, Yuka, l’une des applications les plus téléchargées sur l’App Store d’Apple en 2018, renseigne l’acheteur sur 500 000 produits alimentaires et cosmétiques. Le scan du code-barre d’un paquet de biscuit ou d’une bouteille de shampoing fait apparaître sur l’écran du smartphone un avis global sur le produit, formulé en un mot (bon, médiocre ou mauvais) et une couleur (vert, orange ou rouge). Chacun peut ainsi se faire en quelques clics son opinion sur un produit avant de l’acheter.
Pour connaître les justifications de ce verdict, le consommateur peut consulter une fiche détaillée du produit qui mentionne et quantifie ses points forts – notamment ses différents apports nutritionnels - et alerte sur ses points faibles voire ses dangers – comme la quantité d’additifs indésirables. Pour les cosmétiques, les composants chimiques aux noms cryptiques sont accompagnés d’un code couleur précisant leur niveau de toxicité potentiel : il est ainsi plus aisé de faire son choix entre deux produits, quand l’un contient du « propylparabène » (rouge : risque élevé) et l’autre du « méthylparabène » (jaune : risque faible).
L’application QuelCosmétique fonctionne sur le même principe, et permet d’afficher uniquement les produits sans risque, par catégorie (gel douche, crèmes pour le visage, etc.). Open Food Facts mentionne des informations supplémentaires, telles que le pays d’origine des ingrédients et les labels attribués au produit. Parmi les dizaines d’autres applications guides à la consommation disponibles, certaines sont plus spécialisées : dédiées aux produits sans gluten par exemple, ou aux aliments vegans (i.e. : sans aucun composant d’origine animale), ou encore à l’authenticité de l’appellation d’origine contrôlée (AOP) mentionnée sur une bouteille de vin.
Des sources d’information faillibles
Les sources d’information sont hétérogènes et ne sont pas toutes de même qualité. Les unes sont éditées par des organisations non gouvernementales ou à but non lucratif : c’est le cas notamment de QuelCosmétique, piloté par l’association UFC-Que Choisir et d’Open Food Facts, gérée par un collectif de citoyens et ouvert à toute contribution collaborative.
D’autres sont alimentées par des institutions publiques, comme Nutri-Score, conçu par Santé Publique France sous la houlette de la direction générale de la Santé à partir des travaux du chercheur Serge Hercberg, et des études de l’Anses et du Haut Conseil de Santé Publique. Enfin, ces applications-guides peuvent aussi émaner d’entreprises privées spécialisées dans le numérique, et financièrement indépendantes des fabricants des produits qu’elles évaluent : parmi elles, Yuka permet à chaque consommateur de contribuer à sa base de données. Toutes ces applications apportent une information fiable et indépendante.
La fiabilité de l’évaluation est moins certaine quand les applications sont financées par les fabricants de produits eux-mêmes, et ce d’autant plus lorsque la marque qui finance cette application reste masquée. C’est le cas de Num-Alim, un projet soutenu par l’Association nationale des industries alimentaires5. Présentée en novembre dernier, cette base de données en cours de développement ambitionne de compiler les informations nutritionnelles et l’origine géographique des produits, mais aussi les habitudes alimentaires des Français, et de devenir une interface de dialogue entre les agriculteurs et les industriels. « Il ne faut pas que ça serve d’alibi aux industriels pour omettre des informations utiles aux consommateurs sur les paquets des produits comme le système Nutri-score », a d’ores et déjà alerté le chercheur Serge Hercberg.
Enfin, toutes les applications-guides n’ont pas le même coût pour l’utilisateur. Certaines sont payantes (achat de l’application elle-même, et/ou abonnement pour consulter la base de données) mais la majorité d’entre elles sont gratuites. A une nuance près : celles qui exigent la création d’un compte utilisateur compilent et utilisent vos données. Le guide de consommation qu’elles offrent est gratuit, mais c’est alors vous le produit.
1 Voir son discours à la COP 21, en décembre 2018 : https://www.youtube.com/watch?v=Bypt4H8K5dI
2 Le vendredi 15 mars 2019, les lycéens du monde entier ont séché les cours pour manifester pour la défense de la planète. Selon Fridaysforfuture.org, plus de 2 000 rassemblements ont été organisés dans le monde, dont 212 en France.
3 Intitulée « l’affaire du siècle », la pétition mise en ligne par quatre ONG (Greenpeace, la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH), Oxfam et l’association Notre affaire à tous) le 18 décembre propose d’attaquer l’Etat en justice pour « inaction climatique ». Elle est à ce jour en France la pétition qui a reçu le plus grand nombre de soutiens, avec 2,17 millions de signataires en mars 2019.
4 Auteur de No Logo (2001), elle développe cette thèse dans Tout peut changer (octobre 2016) et Dire non ne suffit plus (novembre 2017).
5 L’Ania regroupe des industriels de toutes tailles, des TME aux grands groupes.
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